
Les différentes activités de musculations, quelles que soient les méthodes employées ou ses objectifs poursuivis, sont des disciplines à part entière, qui reposent comme tous les autres sports sur des fondements techniques pointus. Ne pas les respecter, c’est trahir l’essence même de ces sports, et plus gravement s’exposer à des blessures très graves.
«La fonte» a le vent en poupe. Respectabilisées par l’Olympique et éminemment technique haltérophilie, modernisées par la préparation physique, (re)mises à la mode grâce au crossfit, les différentes activités «poids et haltères» sont omniprésentes dans le paysage sportif, qu’elles permettent d’atteindre des objectifs de performance, de bien-être, ou d’esthétisme. Mais il ne faut pas oublier que ces disciplines (haltérophilie, force athlétique, culturisme ou cross fit), sont avant tout des sports à part entière, dont le plus assidu des pratiquant mettra plusieurs années à acquérir la maîtrise experte.
Or, l’impatience d’un résultat visible pousse souvent les pratiquants (voire même les coaches) à en accélérer et parfois même négliger la rigueur et la précision technique. Mais ce gain -apparent- de temps au démarrage du processus, se traduit à l’échelle d’une carrière sportive par une perte colossale de temps allant parfois jusqu’à l’arrêt de toute pratique sportive.
Ce terrible constat, pousse certains pédagogues à éviter le travail avec charge additionnelle, ou certains mouvements réputés dangereux, alors que les haltérophiles et force-athlétisme sont (et de loin) les sportifs qui se blessent le moins. Entre ces spécialistes de la force très peu exposés à la blessure et les pratiquants ponctuels mis en dangers par une pratique inadaptée, se cache la technique qui ne peut être compromise sous aucun prétexte. C’est le prix à payer pour que tout le temps passé dans la salle de musculation serve tout autant la performance que la prévention.
Nous avons choisi de démarrer une série d’articles sur le sujet, en explorant tout d’abord les risques majeurs induis par une pratique inadaptée.
La coiffe des rotateurs : zone sensible
La coiffe des rotateurs est mise à rude épreuve dans de nombreuses situations sportives. La blessure fortuite survenant lors d’un accident, ou la répétition d’un geste inapproprié plaçant l’épaule en situation de conflit chronique, déclenchent généralement l’inflammation.
Quand la glène scapulaire, trop peu congruente, est exposée à un mouvement inapproprié de l’épaule, un décentrage ou un dérapage de la tête humérale peut se produire. C’est ce que l’on appelle un «conflit d’épaule». Plus ces conflits d’épaules sont intenses, ou répétés dans le temps, et plus ils vont exposé les muscles de la coiffe à l’inflammation.
En effet, c’est justement entre la voûte coraco-acromiale et la tête humérale que passent les tendons des muscles de la coiffe. Ils peuvent alors se retrouver «pincées» entre la tête humérale et la voûte coraco-acromiale.
Illustration : Vue de dos de l’épaule.
La voûte coraco-acromiale est composée de l’acromion, de l’articulation acromio-laviculaire, de la coracoïde, et du ligament acromio-coracoïdien.
La coiffe des rotateurs est composée quant à elle de 5 muscles : le supra-épineux, l’infra-épineux, le petit rond, le sub-scapulaire et le long biceps.
Les conflits d’épaule
Pratiquement, les conflits d’épaule surviennent en fin de mouvement, et sont douloureux au point de perturber la bonne exécution du geste sportif. Ils résultent d’une utilisation intense, et répétées de l’articulation créant par leur inadaptation biomécanique, un frottement ou un cisaillement entre l’os et un ou plusieurs tendons ou bourses séreuses. De nombreux mouvements de musculation régulièrement mal utilisés exposent le sportif à des conflits d’épaule, et sont donc potentiellement traumatisants. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous vous présentons ici les grands classiques.
- Élévation latérale
Tout d’abord l’élévation dynamique latérale d’haltère court (ou d’élastique) debout, visant généralement le renforcement du deltoïde moyen (voir illustration).
La plupart des débutants commentent spontanément cette erreur technique, qui, si elle n’est pas corrigée, conduira inévitablement à la blessure. Pour éviter cela, l’exécution correcte aura pour finalité du mouvement l’élévation de la pointe du coude au niveau de l’épaule. Autant que possible, c’est le coude qui guidera l’angle et l’élévation du bras, et non le poignet, favorisant une rotation interne du bras, et une activation du muscle trapèze.
- Le tirage haut
Autre exemple exposant l’épaule à un conflit antéro-supérieur, le tirage haut, souvent utilisé dans les «rowing verticaux», ou les mouvements techniques et semi-techniques d’épaulés. On peut de plus en plus fréquemment observer cette -grave- erreur technique à l’entraînement, depuis l’émergence incontrôlée du crossfit, que ce soit au cours d’épaulés ou tirages verticaux dynamiques, avec barre ou kettlebell (voir illustration). La hauteur du tirage, l’écartement des mains, mais surtout la trajectoire de la barre (le plus près du corps possible), renvoient aux fondamentaux haltérophiles que nous aborderons ultérieurement.
- Le développé-couché
Enfin le travail du grand pectoral, notamment au cours du mouvement «star» des salles de musculation, le développer coucher, qu’il soit pratiqué avec haltère ou barre conventionnelle, peut être, si il est mal réalisé, une menace pour la stabilité de la tête humérale. Notons que ce mouvement est fondamentalement problématique. De même qu’il n’est pas bénéfique pour la santé neurologique d’un boxeur de recevoir des coups dans le visage, ou pour la sanité rachidienne d’un judoka de se faire projeter à plat dos, le force-athlétiste expose systématiquement son épaule lors de l’affrontement compétitif en développé couché.
Utilisé dans un cadre loisir (donc sans nécessairement rechercher la meilleure performance possible systématiquement), les effets négatifs de cet exercice particulièrement populaire peuvent néanmoins être contrôlés. Bien souvent, les pratiquants assidus favorisent un travail sur banc large (car plus stable), et une prise écartée (voir illustration).
La verticalité de la charge parachève de figer l’omoplate dans le banc, alors que le raccourcissement du pectoral, qui provoque un glissement de la tête humérale en avant de la glène de l’omoplate, nécessiterait justement plus de mobilité de cette dernière. S’en suit un décentrage antérieur provoquant les classiques douleurs antéro-internes d’épaule. Dans ce cas également, la maitrise des fondamentaux techniques du développé couché, associée à certains aménagements préventifs, dépasse largement le cadre de cet article. Mais le choix judicieux d’un banc fin, et d’une prise de barre resserrée (dite «anatomique») au détriment des charges les plus lourdes possibles, constituent de premières pistes faciles à suivre pour rendre ce mouvement anatomiquement plus confortable. Dans le cas du travail avec haltère, il conviendra de limiter l’amplitude du mouvement, et ainsi le raccourcissement du pectoral, et donc son effet principal de décentrage antérieur.
Le placement du dos : une préoccupation de tous les instants
Quoi que l’on fasse en musculation, le placement du dos est un fondamental. Encore plus pour les mouvements de tirages, ou encore pour les mouvements debout.
Dos rond, ou à l’inverse en hyper-extension incontrôlée, dos non-verrouillé (comprenez par la là passivement mobile durant le mouvement), cyphose exagérée, sont autant de défauts techniques constatées couramment à l’entraînement et risquant d’entraîner de très graves pathologies.
La région lombaire est la plus souvent incriminée. Elle est bien souvent la conséquence d’une inflammation des petits muscles intervertébraux profonds reliés au transverse. Une rotation inappropriée répétée, une hyper-extension de la colonne vertébrale, sont les raisons les plus couramment diagnostiquées quant à l’inflammation lombaire spontanée. D’un point de vue structurel, on peut citer l’inflammation chronique liée à une pratique inappropriée des abdominaux (par exemple les battements à ras du sol, qui par antéversion du bassin provoque l’activation des psoas iliaques, eux-mêmes directement insérés sur les lombaires), mais aussi la négligence des muscles transverses (activables par différentes techniques lors des séances d’abdominaux), pouvant transférer les contraintes vers les muscles profonds vertébraux. Illustration : Anatomie lombaire.
La région lombaire est d’autant plus exposée dans la dynamique d’un squat, d’un tirage, ou pire encore d’un soulevé terre effectué «dos rond», ou bassin en rétroversion (voir illustration).
Le sportif (ou le coach) donnant sur le placement juste et sécuritaire la priorité au nombre de répétitions maximal, ou au poids maximal de la charge, s’expose ainsi à de lourdes discopathies. L’arrondissement du dos guette en effet tout sportif ne respectant pas la règle d’or suivante «le prix d’une répétition supplémentaire n’est jamais la détérioration du geste technique».
Le prix du mouvement de trop, lorsqu’un sportif persiste pour poursuivre sa série mal placé, est ainsi de comprimer l’avant des disques vertébraux, et d’en allonger l’arrière, risquant de propulser, si le disque est fragilisé, le noyau vertébral en arrière, comprimant les structures nerveuses vertébrales. Cette pathologie particulièrement douloureuse et incapacitante, survient généralement entre L3 et L4.
Trois éléments combinés permettent de sécuriser le placement du pratiquant.
- Tout d’abord l’extension dorsale à l’amorce du mouvement: l’antéversion contrôlée du bassin permet de garantir un dos au minimum plat tout au long de la mise sous tension de la colonne vertébrale. En outre, cela évite, et tout particulièrement au niveau de L3 et L4, le pincement antérieur des disques intervertébraux.
- Sortir la poitrine,
- tirer les épaules en arrière en resserrant les omoplates l’une contre l’autre parachèvera la posture dorsale idoine, empêchant la poitrine de basculer vers l’avant, entraînant l’arrondissement du dos. N’oubliez pas d’activer les muscles profonds responsables de la posture et de la pression abdominale aidant à maintenir le dos en place.
N’oublions pas que la blessure dans la pratique anarchique de la musculation est plus souvent chronique et sournoise, qu’aigüe et spontanée.
L’une des pathologies dorsales les plus répandues est ainsi la cyphose anormalement prononcée (généralement associée à une fuite des épaules en avant). Si cette pathologie peut être totalement posturale, souvent liée au psychologique (notamment à l’adolescence), dans le cadre de la musculation, elle est favorisée voire totalement provoquée par différentes pratiques incohérentes. Le renforcement prioritaire (et parfois exclusif) des muscles pectoraux, où à l’inverse l’absence de travail des muscles entourant les omoplates et de la coiffe des rotateurs sont les explications les plus courantes.
Ainsi le gainage scapulaire constitue tout autant une priorité, même si l’impact esthétique est minime, que le renforcement de la chaîne de répulsion. Plus que jamais, l’équilibre agoniste/antagoniste devra-t-être respecté pour éviter toute pathologie posturale dorso-scapulaire. Enfin, chaque tirage sera précédé d’une activation des muscles de la coiffe par une rotation externe des épaules, et une activation des fixateurs d’omoplate en resserrant les omoplates l’une contre l’autre.
Aurélien Broussal Derval
Préparateur physique d’athlètes de Haut Niveau
Co-auteur des livres « La préparation physique moderne »
et « Les Tests de terrain »
Bibliographie.
-La préparation physique moderne, Aurélien Broussal-Derval et Olivier Bolliet, 2nde Edition, 2012, Editions 4Trainer.
-Guide des mouvements de musculation, Frederic Delavier, 5ème Edition, 2012, Editions Vigot.
-Suivez l’auteur sur Facebook (Aurélien Broussal) et Twitter (Twittorel).
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