LE SPRINT, une épreuve subtile et avant tout technique par Olivier MARCHAND
• Mise en œuvre de cette philosophie sur une saison par Olivier Marchand
• Mise en commun des points de vue de l’entraîneur et de l’athlète : Véronique MANG et Olivier MARCHAND
Mes missions :
• Responsable de toutes les formations d’entraîneurs en Ile de France : initiale et continue
• Coordonnateur du sprint et des haies en Ile de France
• Entraîneur Sprint Haies sur le pôle espoir d’Eaubonne
Mon groupe en 2013 : 7 athlètes
athlètes sur liste: par ordre de niveau :
1. Véronique MANG : Liste senior 2013 : Vice championne d’Europe du 100m en 2010
2. Yariatou TOURE : Liste France Jeunes : Médaille de Bronze sur 100m haies en 2009 en Serbie
3. Assa Deborah : Diakite : Liste espoir : Finaliste sur 100m cadettes aux championnats de France
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AEIFA, 16 rue Vincent Compoint 75018 PARIS
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Atelier sur « Renforcement musculaire du coureur » avec Bas Van Hooren par Serge Olivares
Retour sur un Atelier organisé par l’AEIFA sur le « Renforcement musculaire du coureur » avec Bas Van Hooren.
Bas Van Hooren est doctorant en sciences du sport à l’université de Maastricht, Il a publié dans des revues à comité de lecture, des articles sur divers aspects de l’entraînement ; validité de l’utilisation d’un cardiofréquencemètre, course sur tapis roulant, intérêt du retour au calme, travail des ischios jambiers dans la course à pied, différence entre les squat-jumps avec ou sans contre mouvement … mais aussi sur les statistiques. Certains de ces articles sont en libre accès sur le blog de Bas : http://www.basvanhooren.com/blog/
Il est aussi entraîneur et préparateur physique. Il a travaillé avec des équipes de football, le comité olympique Hollandais, et des coureurs à pied de tout niveau.
C’est aussi un coureur de haut niveau avec plusieurs podiums nationaux hollandais en cross et un titre sur 3000m indoor. Comme beaucoup d’athlètes il a aussi connu les blessures.
Ces trois aspects de Bas Van Hooren lui permettent d’avoir une approche particulièrement intéressante puisque l’aspect théorique et scientifique s’appuie et se confronte à une mise en pratique. Inversement une observation empirique va inciter Bas à en trouver l’explication scientifique, il va ainsi pouvoir tester sur lui-même et dans l’entraînement. Cela lui permet d’être un meilleur athlète, un meilleur coach et un meilleur scientifique. Ainsi qu’il le dit « le tout est plus que les parties »
Voici donc le programme de cette journée :
1) Pourquoi faire de la musculation
2) Théorie des systèmes dynamiques (Attracteurs et fluctuations)
3) Spécificité et surcharge
4) Musculation pour améliorer la performance et réduire le risque de blessure
5) Exemples d’exercices
6) Pratique
7) Les ischios jambiers (aspects théoriques)- voir : http://www.basvanhooren.com/blog/
1) Pourquoi faire de la musculation
La matinée a été consacrée à l’aspect théorique et a commencé par discuter de l’intérêt de faire de la musculation pour un coureur.
Le renforcement musculaire a pour effet d’augmenter la masse musculaire et donc de réduire la densité mitochondriale, de diminuer la coordination, et de ce fait vous rend plus lent
Néanmoins beaucoup d’études au contraire montrent que le renforcement musculaire permet d’améliorer l’économie de course, de prévenir les blessures. Aussi il est important de faire de la musculation, mais pas n’importe comment !
L’approche traditionnelle de la musculation a été influencé par l’haltérophilie et le culturisme. Dans ces sports on privilégie le développement de la force et l’hypertrophie musculaire, ces aspects sont pour nous un handicap et explique les réticences de certains coaches à l’utiliser.
L’idée selon laquelle plus on est fort plus on court vite est fausse. Il faut se préoccuper du transfert de la force vers la vitesse. C’est ce problème qui intéresse Bas et qui caractérise l’approche contemporaine du renforcement musculaire.
A partir d’un modèle d’une bonne technique de course, il va analyser les éléments à cibler pour améliorer l’économie de course mais aussi prévenir les blessures.
2) Théorie des systèmes dynamiques (Attracteurs et fluctuateurs)
Les degrés de liberté
Les articulations du corps humain peuvent bouger selon différents axes ; la hanche par exemple peut bouger en flexion/extension, adduction/abduction et rotations, de plus ces composantes peuvent s’additionner entre-elles.
Lors de la course beaucoup d’articulations rentrent en action, avec chacune plusieurs degrés de liberté. Pour faire ces mouvements beaucoup de muscles peuvent être utilisés, et chacun de ces muscles peut être activé d’une manière différente et selon un timing différent. Il y a donc beaucoup de choses à contrôler. Pour le cerveau vérifierdirectement chaque élément ressemblerait à conduire une voiture en contrôlant chaque roue, le levier de vitesse, le volant, la circulation, les éléments extérieurs etc.
La solution pour y arriver consiste à déléguer une partie des tâches en les laissant s’auto-organiser.
Lorsque l’on coupe la tête d’un poulet, il est encore capable de courir, ce qui montre la possibilité d’auto-organisation.
De même sur le plan interpersonnel lorsqu’on observe un banc de poisson ou un vol d’oiseaux migrateurs on note une auto-organisation spontanée sans qu’aucun animal n’ait eu à prendre de décision.
La théorie des systèmes dynamique permet de rendre compte de ces phénomènes. Le corps humain est un système dynamique complexe composé de beaucoup de sous-systèmes (muscles, articulations…) qui changent aussi dans le temps (à long terme avec la maturation et le vieillissement et à court terme avec la fatigue).
Avant de décider de faire un mouvement une multitude de mouvements sont possibles. Le cerveau envoie alors des instructions basiques et de ce fait éliminent une partie des possibilités. Le rythme et la synergie seraient quant à eux organisés dans la moelle épinière par des générateurs centraux de patrons, limitant encore un peu plus les mouvements encore possibles. Les propriétés musculaires contraignent encore davantage le mouvement de telle sorte qu’un patron de coordination émerge, partiellement produit par auto-organisation.
En course à pied compte-tenu de tout cela, seuls quelques patterns de mouvement sont possibles. Dans la théorie des systèmes dynamiques ces patterns stables sont appelés des attracteurs. D’autre patterns instables sont sous l’influence de l’environnement, ils permettent de s’adapter à l’environnement (changer de direction, sauter un obstacle imprévu, s’adapter à un changement de terrain etc), ce sont des fluctuateurs.
Dans le schéma suivant les attracteurs sont en rouge ancrés plus ou moins profondément, les fluctuateurs en jaune sont quant à eux dans une position instable.
Avec l’entraînement les attracteurs deviennent de plus en plus stables, de même avec la maturation certains attracteurs sont remplacés par d’autres plus efficaces. Plus les attracteurs sont profondément ancrés et éloignés les uns des autres moins ils peuvent changer, plus ils sont proches et moins profondément ancrés plus ils sont aptes à changer. Cela explique la difficulté à corriger des gestes acquis depuis longtemps.
Un exemple pratique est donné par la marche, lorsque quelqu’un marche, plus sa vitesse augmente moins l’attracteur de la marche est efficace puis à un moment donné l’attracteur de la course va prendre le relais. On notera que lorsque l’on fait le trajet inverse la transition course/marche ne se fait pas à la même vitesse que la transition marche/course. L’attracteur de la course est plus robuste.
Les attracteurs peuvent se décliner comme précédemment au niveau macroscopique, mais on peut les retrouver au niveau articulaire (position des articulations les unes par rapport aux autres), au niveau médullaire voire au niveau cellulaire.
Quels ont les attracteurs en course à pied ?
Qu’est-ce qu’une bonne technique de course ?
Une bonne technique de course doit être économique, stable et ne pas générer de blessures.
Il n’y a probablement pas une technique de course idéale, on peut remarquer des différences entre les techniques de course de différents champions.
La recherche a trouvé quelques éléments liés à l’économie de course (voir Running Technique is an Important Component of Running Economy and Performance. Folland JP1, Allen SJ, Black MI, Handsaker JC, Forrester SE ou Is There an Economical Running Technique? A Review of Modifiable Biomechanical Factors Affecting Running Economy. Moore IS1), mais aussi aux blessures du coureur. (Voir Is There a Pathological Gait Associated With Common Soft Tissue Running Injuries? Bramah C1, Preece SJ1, Gill N1, Herrington L, ou Running retraining to treat lower limb injuries: a mixed-methods study of current evidence synthesised with expert opinion C J Barton1,2,3,4, D R Bonanno1,5, J Carr2,6, B S Neal3,4, P Malliaras1,2,4, A Franklyn-Miller7,8, H B Menz
Les éléments mis en évidence sont :
* Une oscillation verticale limitée. Cette oscillation est le résultat d’autres éléments techniques, c’est un élément macroscopique.
* Une extension du genou lors de la phase d’appui. Un coureur « assis » n’est pas économique. Il y a plus d’énergie à fournir et les muscles ne sont pas en position idéale
Le lien avec les blessures :
Une bascule du bassin côté opposé à l’appui, une adduction et une rotation médiale de hanche, sont associées à un risque accru de syndrome rotulien, de syndrome ilio-tibial (syndrome de l’essuie-glace), et de périostite.
Un manque de raideur et de pré-tension dans la hanche et le genou peut expliquer cette chute du bassin
Un autre élément d’une technique efficace est de réduire les changements de vitesse de déplacement du bassin sur l’axe horizontal. Cela consiste à diminuer les forces de freinage induites par une foulée trop grande, et une pose de pied à l’avant du centre de gravité.
Dans une technique correcte, la pose de pied sera en plante plutôt qu’en déroulé de pied (talon, pointe).
Cela constitue deux attracteurs avec un attracteur passif (tissus) absorbant les contraintes, et un attracteur actif où les muscles fonctionnent dans des conditions de longueur optimales.
Si l’on s’intéresse à l’axe longitudinal, il s’agira aussi d’éliminer la rotation du bassin et du tronc. Cela peut être dû à un temps de poussée trop long, à un genou trop tendu à la poussée.
Attention car une extension prononcée de hanche et une flexion de genou trop importante sont associée à une antéversion du bassin qui est un facteur de risque de blessures aux ischios jambiers. Schuerman et collègues ont récemment montré avec des joueurs de football suivis sur une saison, que ceux qui avaient une antéversion du bassin étaient ceux qui dans la saison avaient été les plus à risque de blessures aux ischios-jambiers.
Un genou trop fléchi pendant la phase de suspension constitue un autre facteur affectant l’efficacité. Cette posture est souvent le résultat de phases d’appui trop longues.
Le dernier point à surveiller est la position du tronc qui ne doit être ni trop en avant ni trop en arrière. Cela permet un travail optimal des abdominaux et des spinaux.
La pose de pied
Beaucoup de résultats contradictoires sur la pose de pied, l’économie de course et les blessures.
La pose en avant pied permet une meilleure utilisation de l’énergie élastique, mais est associée aussi à une plus grande demande énergétique sur le soléaire contre balançant l’économie faite grâce à l’élasticité. Elle est aussi associée à une plus grande pré-valence de blessures au niveau des tendons d’Achille et des métatarsiens
La pose talon quant à elle est associée à une phase de freinage et d’augmentation du risque de blessures (périostite, tendinite rotulienne). La meilleure solution pourrait résider dans une attaque en plante.
Lorsque l’on regarde les athlètes d’élite, on s’aperçoit par exemple qu’au mondial 2017, sur le marathon 70% des coureurs avaient une attaque talon. Sur les courses de longue distance la pose de pied serait donc un fluctuateur et non un attracteur.
Le temps de contact :
Un temps de contact court serait associé à d’autres variables telles qu’une rotation du tronc réduite, une raideur des muscles/tendons, et une attaque du pied menant à une meilleure utilisation de l’énergie élastique et donc à une course plus économique. Le temps de contact au sol est court en raison de la raideur de la cheville.
Une plus grande raideur de la cheville permet donc aux fibres musculaires de fonctionner proches de leur longueur optimale, minimisant ainsi le travail concentrique/excentrique et les coûts en énergie qui y sont associés en augmentant l’utilisation de l’énergie élastique.
Une meilleure pré-tension avant le contact au sol, permet une poussée plus courte, moins d’extension du genou et de rotation du tronc.
3 ) Spécificité et surcharge
Force et Vitesse.
On a longtemps pensé que les sujets les plus forts étaient les plus rapides, on sait maintenant qu’il n’en est rien. Les gains liés à l’entraînement sont spécifiques et donc il est essentiel d’avoir des entraînements significatifs de notre spécialité. Cette spécificité s’applique aux mouvements choisis, à l’amplitude articulaire choisie, à la filière énergétique, à la vitesse d’exécution mais même aussi à l’heure d’entraînement. Il vaut mieux s’entraîner le matin pour une compétition le matin.
Les 6 couches de spécificité de Frans Bosch :
Plus un exercice remplit de critères plus il sera spécifique
Ces critères sont de l’intérieur vers l’extérieur :
L’intention : par exemple à la fin de la poussée en course on ne doit pas avoir de rotation du tronc, on retrouvera cette contrainte dans un exercice de montée sur une marche.
Contraction intra-musculaire, elle doit être similaire à la forme de contraction utilisée dans l’activité (concentrique, isométrique, excentrique, pliométrique)
Coordination inter-musculaire cela renvoie à l’activation des mêmes chaînes musculaires
Structure du mouvement vue de l’extérieur : c’est souvent le point de départ du choix de l’exercice, mais attention les mouvements peuvent paraître être proches en terme de structure mais être différents en terme de vitesse ou d’angles (course en côtes, course avec chariot..)
Proprioception les informations proprioceptives doivent être proches de l’activité (position des articulations, longueur des muscles..)
Informations venant de l’environnement (bruits, lumières…) Des études ont montré que la réactivité à des lumières n’étaient pas la même que la réactivité aux mouvements d’un adversaire.
On pourrait penser qu’il ne faudrait travailler que des exercices spécifiques, cela serait une erreur car le mouvement spécifique ne permet pas de surcharger suffisamment l’organisme. Il est bien sûr possible de ne travailler que la spécificité d’un côté et la surcharge de l’autre mais il est aussi judicieux de travailler entre les deux. Il est impossible d’avoir les deux aspects dans un même exercice.
Adaptations neurales et tendineuses.
La course à pied et le sprint ne demande pas seulement d’appliquer de la force mais de l’appliquer très rapidement (100ms)
Le « mou » du muscle
C’est le décalage qui existe entre la contraction musculaire et la mise en tension des tendons.
Si le muscle n’est pas prétendu, il faut « avaler le mou » avant d’avoir une action. C’est un facteur limitant de la performance. Cela peut prendre jusqu’à 100ms. Voir l’article écrit avec Frans Bosch : Influence of Muscle Slack on High-Intensity Sport Performance: A Review
Par exemple, lorsque l’on exécute un squat jump il faut « récupérer le mou » si l’on le fait précéder d’un contre-mouvement le mou a été pris et on sautera plus haut. Cette technique est efficace mais augmente le temps de réaction.
Une autre technique consiste à utiliser une charge extérieure lourde qui va appliquer une force sur l’unité muscle/tendon et réduire le « mou ». Néanmoins en course à pied il n’y a pas de charge extérieure.
La troisième stratégie consiste à utiliser une pré-tension en réalisant une co-contraction des agonistes et des antagonistes. Mais si les muscles sont contractés au moment où l’un deux doit produire de la force, celle-ci sera contrariée par la contraction de l’antagoniste. Il s’agit donc d’affiner le timing afin que la co-contraction ait cessé lors de la contraction visée. Pour la course à pied la co-contraction c’est au moment du contact au sol. De plus avec une technique de course efficace, la mise en tension permet aussi de réduire le mou (la flexion dorsale de cheville réduit le mou des extenseurs)
4) Musculation pour améliorer la performance et réduire le risque de blessure
L’influence de l’haltérophilie :
On pourrait penser que le développement de la force est sans intérêt, néanmoins il n’en est rien. Cela permet d’améliorer la coordination intra musculaire ainsi que la raideur du tendon. Dans une revue de questions Bas a trouvé que dans la majorité des études cela améliorait la vitesse de production de la force.
Pour recruter les fibres de type 2 il faut soit travailler avec des charges lourdes, soit travailler avec des charges légères mais avec beaucoup de répétitions. Mais dans ce dernier cas on va ajouter de la fatigue et développer l’hypertrophie du muscle, ce qui sera contre-productif pour un coureur.
L’utilisation de charges lourdes permet aussi de renforcer le tendon en en augmentant la raideur.
L’influence de la physiothérapie :
Pour les kinésithérapeutes le travail va commencer à vitesse lente puis aller vers des vitesses élevées sans que l’on sache si le transfert est effectif.
Réflexe et préflexe :
Notre activité demande d’appliquer beaucoup de forces en peu de temps, ce temps est même si court qu’il est inférieur à la mise en place d’une contraction réflexe (cf l’entorse de cheville). Heureusement il existe un autre mécanisme nommé préflexe (il s’agit globalement de la raideur du muscle et de son tendon) cette raideur va s’opposer à l’étirement. Le muscle étiré sera de plus, proche de sa longueur optimale de fonctionnement et donc plus efficace.
Le travail « proprioceptif » classique travaillera donc plus l’aspect réflexe alors que le travail à haute intensité sera spécifique des « préflexes ».
L’haltérophilie
Elle est donc un des moyens privilégiés de développement de la force. Elle va améliorer la coordination intra-musculaire.
Toutefois les exercices peuvent et doivent être adaptés.
Ainsi l’épaulé sera exécuté en épaulé suspendu minimisant ainsi les mouvements non spécifiques de la course (soulever de terre, squat sous la barre …), induisant moins de fatigue inutile.
Incorporation des réflexes
Ils vont permettre de développer plus de force et d’améliorer la coordination inter-musculaire.
Il s’agit donc de modifier la position de départ pour y permettre l’expression des réflexes d’extension et celui de trébuchement. Le réflexe d’extension associant la flexion d’un côté à une forte extension de l’autre, le réflexe de trébuchement lui va induire une projection vers l’avant de la jambe libre. Pour cela les positions de départ en unipodal seront privilégiées.
Quels exercices peut-on proposer aux coureurs :
La montée d’escalier en courant avec ou sans charge instable, les exercices de « good morning », les exercices de soulevé de terre, pour développer la force des muscles du dos et agir sur la raideur des tendons. Mais aussi des arrachés en fente, des arrachés en unipodal ou des épaulés sur boîte.
On utilisera aussi des courses avec une corde à sauter, des sauts au-dessus de petites haies en tenant un bâton (pour éviter les rotations).
L’essentiel étant de choisir les exercices en fonction de l’effet recherché et de la spécificité plus ou moins grande de l’exercice choisi.
Après ces informations, Bas a dirigé une session pratique où chacun a pu tester et superviser les divers exercices : travailler avec des bancs, des mini-haies des water-bags etc.
La formation s’est poursuivie ensuite par un point sur la physiologie, les pathologies la rééducation et la réhabilitation des ischios-jambiers. Cette journée dense s’est terminée quand il a fallu libérer les lieux, tant Bas s’est prêté de bonne grâce au jeu des questions/réponses.
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ENTRAINEMENT POLARISÉ OU PYRAMIDAL, FAITES LE BON CHOIX par Jean Claude Le Cornec
Mais qu’est qui se cache derrière l’entrainement polarisé ! Est-ce une nouveauté ? Et bien Non et peut être le pratiquez-vous déjà sans le savoir !
Leçon d’explication :
L’entrainement polarisé se différencie de l’entrainement dit « pyramidal » par son ratio. J’entends par la dénomination ratio le pourcentage de temps passé dans chaque filière énergétique.
Quelle différence, petit rappel :
Trois niveaux appelés aussi zone 1, zone 2, zone 3 d’intensité pour l’entrainement pyramidal :
- Zone 1 – Travail aérobie ou inférieur (travail à faible intensité)
- Zone 2 – Travail en CA et anaérobie (travail au seuil correspondant suivant votre niveau à une allure compétition d’une course de 10 km ou marathon en CA – suivant le niveau de pratique).
- Zone 3 – Travail de VMA ou supérieur (Vitesse Maximale Aérobie, travail que vous développez sur un travail court et intense). La VMA est la vitesse de course maximale qu’un coureur peut soutenir en condition aérobie (avec de l’oxygène).
Nota : La zone 2 est considérée comme une zone intermédiaire située entre le seuil aérobie et le seuil anaérobie (zone de transition) soit avec une intensité maximale ≤ au seuil anaérobie
Deux niveaux d’intensité pour l’entrainement polarisé :
- Travail aérobie (travail à faible intensité – à faible taux de lactates / 2mmoles) – Zone 1
- Travail à Haute intensité – Taux de lactates supérieur à 4 mmoles – zone 3
Vous remarquez de suite qu’il manque une filière énergétique. Ne cherchez plus, c’est la zone 2, dite aussi travail au seuil.
Alors maintenant quel ratio entre l’entrainement pyramidal et l’entrainement dit « polarisé »
- Entrainement en pyramide : Zone 1 – 70 % / Zone 2 – 20% / Zone 3 – 10 %
- Entrainement polarisé : Zone 1 – 80% / Zone 3 – 20%
On ne le dira et répétera jamais assez mais le travail en VMA (Zone 3) est primordial et incontournable pour espérer augmenter son niveau et progresser.
En résumé, avec un entrainement polarisé, vous consacrez la majorité de votre temps d’entrainement à un travail à faible intensité (80%) et augmentez votre temps de travail à haute intensité (20%). Et ce, contrairement à un entrainement pyramidal qui se veut comme on peut l’imaginer dans le mot pyramide plus progressif avec trois zones d’intensité d’effort. La base de la pyramide étant bien entendu le socle de l’entrainement encore appelé les fondations soit l’entrainement à faible allure. Plus on montera dans la pyramide, plus l’effort sera important avec au sommet de celle-ci l’intensité maximale.
Pour autant, même si l’entrainement polarisé a fait ses preuves, je maintiens un minimum de travail en zone 2. Exemple de travail avec l’option d’utilisation des trois zones : 75% en zone 1- 5% en zone 2 – 20% en zone 3 . Les 5% étant un travail en zone 2 ou 80% – 5% – 15%
Et en préparation aux compétitions, j’augmente ce pourcentage en incluant bon nombre de séances en zone 2 soit à l’allure spécifique course pour un marathonien (1). Ces sorties servant bien souvent de test et d’ajustement il est bien d’imprimer cette vitesse de course. Il est bien aussi de confronter l’organisme du coureur à cet effort qu’il va devoir accomplir le jour J. C’est bon pour le mental !!
Mais comment faire ?
- Je modifie le ratio 80% – 20% en diminuant le travail en zone 3.
- Je maintiens ou augmente les allures (intensité) en zone 3
- Je maintiens ou diminue le temps consacré en zone 1
- J’inclue un travail à allure course en zone 2 – Il est IMPORTANT de souligner qu’un travail en Zone 2 n’exerce d’effet adaptatif que si le temps cumulé qu’on y consacre sur une séance est au moins de 25’ – 30’.
- A l’approche de la compétition, je réduis le volume total des entrainement km et heures passées à l’entrainement)
Exemple pour un entrainement à trois zones en mode préparation course : 70% en zone 1- 20% en zone 2 – 10% en zone 3
L’entrainement à l’approche de la compétition consistera à établir un bon équilibre entre volume et intensité. Pour cela vous devrez « coller » au plus près à la vitesse de l’épreuve dont vous allez disputer tout en gardant la base de l’entrainement à faible intensité. Je m’orienterai donc vers le modèle Pyramidal
Sachez que bien bon nombre de chercheurs analysent telle ou telle méthode d’entrainement pour nous aider à choisir la meilleure façon de s’entrainer mais il restera toujours une petite part d’imprévu et ce qui est bon à l’un ne sera pas bon à l’autre.
Mon point de vue :
Cet entrainement dit « polarisé » peut être efficace en respectant certaines règles, à savoir que la charge d’entrainement sera déterminée par quatre facteurs fondamentaux:
- Le volume d’entrainement (durée), ce que vous êtes capable de faire en une semaine en kilomètres
- La fréquence d’entrainement (répétition) soit le nombre de séances semaines bi-quotidien ou pas
- Par son intensité (l’allure)
- Je terminerai par la récupération trop souvent oubliée ou négligée des coureurs mais qui rappelons le joue un rôle primordial dans les acquisitions de l’entrainement.
Yan Le Meur, chercheur à l’INSEP, préconise non pas une échelle à 3 zones d’intensité mais à 5 zones (voir tableau ci-dessous).
Attention à l’interprétation de ce tableau. Comme indiqué les pourcentages d’intensité de travail sont mentionnés en % de la FC (Fréquence cardiaque) et non en % de VMA (Vitesse Maximale Aérobie)
Yan Le Meur « A la lecture de ce tableau, les plus tatillons s’interrogeront sur l’intérêt de se compliquer la tâche en utilisant l’échelle à 5 échelons, alors qu’il est possible de se simplifier la vie en en utilisant seulement 3. Nous répondrons à cette remarque en soulignant que l’échelle en 3 zones s’avère parfaitement adaptée pour le sportif d’endurance néophyte ou débrouillé. Pour l’athlète expérimenté en revanche, son niveau de performance fait que la gamme des vitesses qu’il peut adopter à l’entraînement, sans dépasser sa vitesse maximale aérobie (la fameuse VMA) peut s’avérer bien plus grande et justifier l’intérêt d’une échelle plus fournie ».
Exemple pour un entrainement à cinq zones: 65% en zone 1- 15% en zone 2 – 5% en zone 3 – 5% en zone 4 – 10% en zone 5
En France, Véronique Billat, physiologiste et professeur des universités consacre son travail à établir un lien entre la science et l’empirisme de l’entraînement sportif en confrontant l’expérience du terrain à la théorie physiologique. A ce titre Véronique confirmera sur un groupe d’athlètes préparant les JO de Sydney le travail important passé en Zone 1 (78% du temps) sous la vitesse spécifique marathon. 4% seulement passé en zone 2 (allure marathon) et le reste du temps, 18% passé en zone 3, vitesses égales ou supérieures à celles d’une compétition de 10 km.
Au Kenya, Bob Tarhi confirme aussi cette approche. Les coureurs kenyans passent 74% du temps d’entrainement à faible intensité. (en dessous de 80% de FCM – Fréquence Cardiaque Maximale).
Si le volume global d’entrainement classique est de 120km hebdomadaire, il peut aussi monter à raison de trois entrainements par jour (10 à 16 entrainements semaine) de 160 à 240 km chez les femmes et de 200 à 280 km la semaine chez les hommes.
Bob Tarhi « En fait quand je vais au Kenya, je fais beaucoup plus de travail en endurance. Parce qu’ils en font plus mais aussi parce qu’il est impossible de faire du travail d’allure là bas à cause de l’altitude »
Jean Claude LE CORNEC
Membre du bureau directeur de l’AEIFA
Organisateur de l’Ultra Trail d’Angkor
sdpo@sdpo.com
www.sdpo.com
www.ultratrail-angkor.com
(1) Capacité aérobie située à 3mmoles de lactates pour un athlète confirmé qui correspond à 80% de sa VMA
Références :
Plusieurs études furent réalisées et cohérentes avec une progression des athlètes qui ont adopté un entrainement dit polarisé avec un volume élevé d’entrainement à faible intensité. (Stephen Seiler –
- Scand J Med Sci Sports. Octobre 2004; 14 (5): 303-10.
Caractéristiques d’entraînement et de performance des rameurs internationaux norvégiens 1970-2001.
Fiskerstrand et Seiler (2004) pour déterminer les principales caractéristiques d’entraînement et de performance des rameurs d’élite norvégiens.
Augmentation du volume d’entrainement à faible intensité (<2 mmol / l; de 30 h à 50 h · mois -1 ).
Diminution de l’entrainement à haute intensité (105% -115% VO 2max ; ~ 8–14 mmol / l de lactate) a été réduit de 23 à ~ 7 h · mois -1
- Yan Lemeur – Chercheur à l’INSEP – L’entrainement polarisé
- Does polarized training improve performance in recreational runners –
Muñoz I1, Seiler S, Bautista J, España J, Larumbe E, Esteve-Lanao J.
Muñoz I, et al. Does Polarized Training Improve Performance in Recreational Runners ? Int J Sports Physiol Perform. 2013 May 22
- Ultra-Trail – Guillaume Millet – Outdoor – éditions
- Running « Les secrets de l’entrainement Kenyan – Jérôme Sordello – Bob Tarhi – Editions Amphora
- La révolution marathon– Véronique Billat – Edition DeBoeck
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Caster Semenya : Avantage ou pas ? Par Jean-Claude Vollmer
Caster Semenya : Avantage ou pas ? Par Jean-Claude Vollmer (Expert lepape-info, entraîneur)
A l’heure où l’IAAF s’est prononcé une nouvelle fois sur la situation des athlètes hyperandrogynes en dévoilant de nouvelles règles d’éligibilité aux compétitions féminines, Lepape info vous propose de verser au dossier une étude factuelle de notre expert Jean Claude Vollmer ( publiée en août 2017 ) sur le site Spé15 sur le cas Caster Semenya . Les chiffres et analyses permettront d’alimenter et ( peut-être ) d’éclairer le débat sur cette coureuse d’Afrique du Sud championne olympique sur 800 m à Rio et double médaillée aux championnats du monde de Londres en 2017.
Les doublés ( 800 m – 1500 m) lors de grands championnats.
A le lecture du tableau suivant, on constate que le doublé de Semenya aux championnats du monde de Londres 2017 n’est pas une première et que de nombreuses coureuses l’ont tenté et terminé avec succès sur le podium des 2 épreuves dans le passé .
Le Profil de performances des meilleures coureuses par décennie depuis 1971
Le tableau suivant, tiré de l’ouvrage collectif « Le 800 mètres . Analyse descriptive et entraînement » ( éditions INSEP ) qui présente les profils des 10 meilleures par décennie montre que Semeyna présente ( pour ses performances de la décennie 2011 =>2017) un profil particulier.
En simplifiant les contenus du tableau on peut classer les coureuses de 800 m en 3 catégories :
Profil 400 m – 800 m : coureuses de 400 m ayant réalisé moins de 50.50
Profil 800 m : coureuses qui ne présentent que des performances sur 800 mètres
Profil 800 -1500 m : coureuses de 1500 mètres ayant réalisé moins de 4’02
Si le profil 400 m – 800 m est plutôt rare avec Minyeva ,Kratochvilova – qui est principalement une coureuse de 400 m (47.99 ) et qui n’a couru qu’une saison (1983) sur 800 m – , Quirot , Miles Clarke, le profil 800 m – 1500 m est le plus courant avec 18 filles dans la zone à 4 :02 au 1500 mètres .
Le reste des 40 profils présentés étant des profils spécifiques 800 m , sans performances sur les distances périphériques ou avec des performances ne leur permettant pas d’atteindre des podiums sur ces distances.
Pour lire la suite: http://www.lepape-info.com/actualite/caster-semenya-avantage-ou-pas/
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Thermodynamique et énergétique – Calcul de la consommation de dioxygène – Notions d’énergie et de travail – Cycle de Krebs
Les transformations biologiques de l’énergie suivent les principes de la thermodynamiques dont les deux principes fondamentaux énoncés au XIX siècle sont :
Premier principe : le premier principe repose sur la conservation de l’énergie.
Lors de toute modification physique ou chimique, la quantité totale d’énergie dans l’univers demeure constante, même si la forme de l’énergie peut être modifiée !
Second principe : dit que l’univers tend toujours vers le plus en plus de désordre. Lors de tous les phénomènes naturels, l’entropie de l’univers augmente.
Les cellules et les organismes dépendent d’un apport constant d’énergie qui s’oppose à la tendance inexorable de la nature à aller vers l’état énergétique le plus faible (entropie du système)
Quelques définitions…
– Enthalpie « H » : Energie totale contenue dans un composé. Elle reflète le nombre et la quantité de liaisons chimiques dans les réactifs et les produits.
– Energie libre « G » : Quantité maximale d’énergie utilisable pour le travail. L’énergie libre est bien sûr plus faible que l’enthalpie d’un composé.
– Entropie « S » : Processus continu de transformation de l’énergie. L’entropie d’un système isolé est d’autant plus élevée que le système est désordonné.
Pour en savoir plus: 4-THERMODYNAMIQUE, CALCUL DE LA CONSOMMATION D’OXYGENE
Avec la collaboration de AREAPS : Association Recherche et Évaluation en Activité Physique et en Sport, Georges Cazorla
Areaps – Association Recherche et Evaluation en Activité Physique et en Sport
Le mystère des calories disparues par Denis Riché
Toute la diététique moderne s’articule autour de la notion de calories. Seulement, on oublie souvent de préciser les imperfections de la mesure. Manifestement, les calories ne pèsent pas la même chose pour tout le monde!
A la fin de l’année 2005, Gérard Guillaume, médecin de la formation cycliste « La Française des Jeux » a rendu publics les résultats tout à fait étonnants d’une étude réalisée lors du Tour de France 2004 (*).
Chaque jour, on comptabilisait précisément les apports énergétiques des coureurs et l’on estimait le plus justement possible leurs dépenses sur base d’enregistrements de fréquence cardiaque et de puissance de pédalage. En général, les deux valeurs coïncidaient plus ou moins autour d’une moyenne de 5000 calories par jour. Jusque là, tout paraît donc assez normal. Mais les auteurs de l’étude furent interpellés par le cas d’un coureur qui, en dépit d’une absorption de portions alimentaires ridiculement faibles (autour de 2300 calories par jour) ne perdait pas vraiment beaucoup de poids. Voilà qui pose question. Comment se fait-il qu’un homme puisse dépenser plus d’énergie qu’il n’en reçoit? Cette observation en rappelle une autre, tirée du contexte beaucoup plus tragique de la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Lorsqu’on a libéré les prisonniers des camps de la mort, on s’est aperçu que plusieurs d’entre eux avaient survécu avec un apport calorique qui aurait logiquement dû les condamner à mourir d’inanition. Le professeur de médecine Marian Apfelbaum (Université Xavier Bichat), lui aussi rescapé des camps nazis, considère que l’apport énergétique moyen des déportés était inférieur à 800 calories par jour.
Mathématiquement, il en aurait fallu plus du double pour tenir le coup.
Encore une fois, on se demande comment tout cela est possible. Certaines personnes semblent à même de tirer de l’énergie de nulle part. Pour d’autres, c’est l’inverse. Il arrive ainsi que des prises de poids parfois massives sanctionnent des conduites alimentaires relativement banales. On doit alors se rendre à l’évidence. Le métabolisme est capable d’adapter sa réponse dans des proportions qui rend notre système de comptabilité calorique très approximatif.
Ainsi est née la calorie
Les premiers travaux sur les calories remontent au début du XIXe siècle. On désigne ainsi la quantité de chaleur nécessaire pour augmenter d’un degré la température d’un millilitre d’eau. Les physiciens ont ensuite délaissé cette unité de mesure au profit du joule. Mais les physiologistes s’en sont emparés en se fixant pour objectif d’apprécier le coût de n’importe quelle activité physique (marcher, courir, dormir) et de déterminer conjointement la richesse énergétique de la ration. Ces travaux ont débouché sur la mise en évidence du rôle déterminant de la respiration dans le processus de vie. La consommation d’oxygène est apparue comme la clé de voûte de toutes les réactions de l’organisme et on a compris que, grâce à elle, on pourrait remonter à la source des réactions. Dès la fin du XIXe siècle, il était possible d’exprimer en calories la production de chaleur des organismes vivants en se basant sur le relargage du gaz carbonique dans l’air expiré. A partir de là, on pouvait aussi attribuer une valeur énergétique à différentes catégories d’aliments. Il suffisait de faire brûler n’importe quoi dans un système clos en présence d’oxygène et sous la pression atmosphérique ambiante pour estimer ensuite la valeur calorique à partir de la quantité de gaz carbonique dégagée. On constata ainsi que la combustion d’un gramme de sucre ou de protéine délivrait toujours la même quantité d’énergie (4 kilocalories), que l’alcool faisait un peu mieux (7,1 kilocalories) et que le record était détenu par les graisses (9 kilocalories). De façon un peu audacieuse, on a extrapolé ces observations à l’ensemble des organismes vivants. Ce faisant, on commettait déjà une petite erreur.
Certains constituants de notre ration servent à tout autre chose qu’à apporter de l’énergie. Les protéines par exemple. Certes, elles peuvent être utilisées comme carburant d’urgence. Mais la plupart du temps, elles sont utilisées pour renforcer nos tissus. Cette situation prévaut également avec certains acides gras essentiels dits « constitutifs » notamment pour le rôle essentiel qu’ils jouent dans la formation des membranes. Une partie de l’alimentation échappe ainsi aux filières énergétiques, ce qui n’apparaissait évidemment pas dans les premières estimations des scientifiques. Mais cette étape était néanmoins nécessaire pour pouvoir établir les premières tables caloriques des aliments et mener ensuite des enquêtes alimentaires. On allait enfin pouvoir comprendre et analyser des phénomènes aussi étranges que l’amaigrissement et la prise de poids.
Les tables de calculs
Pour déterminer les apports énergétiques d’un individu, il suffit de comptabiliser tout ce qu’il ingurgite et se reporter ensuite aux tables caloriques. En théorie, rien de plus simple. Sur le plan pratique en revanche, cela se complique méchamment. Il est très difficile en effet de mesurer précisément les apports caloriques d’une personne. Surtout dans les enquêtes à large échelle. Dans la célèbre étude « Suvimax » par exemple (**), les chercheurs ont procédé à l’aide de photos dans le cadre d’entretiens personnalisés. Celles-ci représentaient des portions croissantes de différents aliments. On pouvait par exemple voir une assiette avec l’équivalent de 120, 150 ou 300 grammes de riz cuit. Le sujet devait désigner l’assiette qui lui semblait le mieux correspondre à ses habitudes. Même chose pour les pommes de terre ou les pâtes. Il fallait pointer la bonne assiette et recommencer l’opération pour chaque aliment, chaque plat, chaque repas. Notez que cette façon de faire est assez exceptionnelle. En général, l’enquête diététique se contente d’établir des approximations sur la base d’indications floues telles que « petite », « moyenne » et « grande » portion. On peut évidemment être plus précis. Mais cela implique beaucoup de dévouement de la part des sujets de l’étude qui doivent peser chaque aliment avant de le consommer.
Pour cela, on doit placer l’assiette sur la balance avant et après chaque repas en faisant bien attention de ne pas mélanger les différentes catégories de produits! L’une des méthodes les plus classiques consiste à tenir cette comptabilité pendant quatre jours (dont un samedi ou un dimanche) et d’analyser les résultats à la lumière des réponses apportées à un questionnaire précis. Ce système apparemment sans faille possède néanmoins un gros défaut: il est tellement contraignant que les sujets simplifient radicalement leurs habitudes durant la durée de l’enquête. Par exemple, au lieu de peser une cuillerée de chou rouge, une de carottes râpées et deux de céleri rémoulade, que la personne aurait spontanément choisies, elle se contentera de manger quatre portions de carottes.
Certaines habitudes culinaires disparaissent complètement. Imaginez-vous en train de préparer un gratin. Il vous faudra mesurer le poids de chaque ingrédient, puis renouveler l’opération avec les restes laissés dans votre assiette. Plutôt manger de la purée. Évidemment, ce type de décision n’est pas très satisfaisant du point de vue des enquêteurs parce qu’une distorsion apparaît là encore entre les résultats et la réalité. Dans le premier cas, on se fait une représentation relativement fausse d’habitudes exactes. Et dans le second, on aboutit au contraire au reflet juste d’habitudes fausses (1, 9). Pour être plus précis dans la détermination de l’apport calorique, il existe un troisième système: celui de la « double pesée ». De quoi s’agit-il? Le sujet testé est suivi comme son ombre par un enquêteur qui reproduit ses faits et gestes à l’identique. A chaque fois qu’il sélectionne un aliment, son ombre fera de même en déposant sur le plateau de la balance une portion de même type et de même quantité. Tout est alors soigneusement pesé. Évidemment la mise en place d’un tel système nécessite beaucoup de moyens et une infrastructure particulière. On peut même craindre que ce simple changement d’univers n’influence les comportements. Le problème sera alors de savoir quel est le degré de concordance entre ce que le sujet aura mangé dans le cadre de l’étude et ses habitudes tout le reste de l’année. Face à toutes ces difficultés, on finit toujours par recourir à des compromis.
Des coureurs en cage
La question des dépenses est tout aussi complexe. La méthode la plus fiable d’évaluation repose sur l’enregistrement des paramètres de la respiration. Seul petit problème: cela implique de porter un masque en permanence ou de vivre dans une cage de verre. Ce genre d’expérience a néanmoins été mené par le passé. Notamment chez les sportifs. Lors d’une étude célèbre, le chercheur hollandais Fred Brouns était parvenu à recréer in vitro les conditions rencontrées par les coureurs lors du Tour de France. On peut également procéder par extrapolation en se basant sur d’autres paramètres comme les courbes de fréquence cardiaque (13). Ou se reporter à des tables de calculs. On sait qu’on dépense en moyenne 1 calorie par kilo de poids et par kilomètre en courant. En général, cela permet de se faire une idée relativement précise des dépenses lorsqu’il s’agit d’analyser un groupe de personnes. En revanche, la marge d’erreur reste importante lorsqu’on s’abaisse au niveau individuel et certains des sujets semblent échapper alors aux règles mathématiques. Par quel miracle?
Exemple évaluation de la dépense énergétique : source www2.ac-lyon.fr
Mimoun ou Anquetil
Pour les coureurs de la Française des Jeux, le Tour de France 2004 aura été une aventure à la fois sportive et scientifique. Tous les jours, les portions alimentaires étaient soigneusement pesées. On relevait aussi les moindres évolutions du poids et l’on procédait à une estimation quotidienne du taux de masse grasse par la méthode des plis cutanés. Enfin, on enregistrait tous les efforts en relevant les chiffres de puissance de pédalage et de courbe cardiaque. A la fin de l’épreuve, toutes ces données ont été acheminées au service de Médecine du Sport de la Pitié-Salpêtrière qui s’est ensuite livré à un gros travail d’analyse. Il est apparu que les coureurs consommaient une ration moyenne de l’ordre de 5000 calories par jour, avec des pointes plus importantes lors des étapes de montagne. On restait néanmoins très en deçà des chiffres habituels cités par les experts. « Je pense que les anciennes estimations de 9000 calories par jour surestimaient l’apport moyen sur une telle course », note Gérard Guillaume. « Aucun de nos coureurs ne mangeait autant! » L’étude a aussi démontré une perte de poids moyenne d’environ deux kilos sur la durée de la Grande Boucle. Or, chacun de ces kilos perdus représente un équivalent calorique de 8000 calories. Si l’on retranche du total les deux journées de repos et le prologue, ce déficit se constitue donc sur 17 jours de course, ce qui revient à un déficit journalier d’environ 800 à 1000 calories.
Voilà qui explique en partie le décalage observé entre l’évaluation des apports et celle des dépenses. Dans l’ensemble, les chiffres des deux colonnes montraient une bonne concordance. Mais ces moyennes cachaient aussi des cas tout à fait étonnants comme celui de ce coureur qui mangeait moitié moins que les autres et qui tenait néanmoins sa place dans la course sans subir le spectaculaire amaigrissement auquel on aurait pu s’attendre. Son nom ne nous a pas été révélé, mais on sait simplement qu’il ne s’agissait pas d’un novice et qu’apparemment, cette manière frugale de s’alimenter était représentative de ses habitudes. Voilà qui conforte bien l’hypothèse d’une importante diversité des métabolismes comme le pressentait déjà le professeur Creff dans les années 60 (3).
Il avait ainsi estimé qu’à dépense énergétique quasi équivalente, Alain Mimoun maintenait son poids corporel avec un apport calorique trois fois moindre que celui de Jacques Anquetil, soit 2000 calories par jour pour le coureur à pied contre 6000 pour le cycliste. Bien sûr, il fallait prendre ces chiffres avec des pincettes compte tenu des erreurs inhérentes à l’estimation des besoins énergétiques et de la dépense calorique. Mais cela confirme néanmoins une grande hétérogénéité des cas. Lors des grandes enquêtes de santé, il n’est pas rare de relever des différences de l’ordre de 500 à 600 calories/jour entre deux individus de même corpulence et de même activité. De tels décalages existent encore entre l’estimation des dépenses et des entrées chez des athlètes dans les sports d’endurance (5, 10) ou dans une discipline comme le rugby (4).
Cette énigme des « calories disparues » interpelle évidemment le monde scientifique. Manifestement, il existe un paramètre dans l’alimentation humaine que les méthodes actuelles ne permettent pas d’appréhender.
De quoi s’agit-il? On trouve un début de réponse sous la plume de Jean Trémolières qui subodorait déjà l’existence de tels mécanismes d’adaptation il y a trente ans (12). L’Homme diffère de la machine à vapeur, expliquait-il. Il faut le voir comme un « système ouvert » qui ajuste en permanence ses dépenses énergétiques en fonction de la situation. Le calcul des calories sur un strict point de la thermodynamique ne convient pas à la complexité des êtres vivants. Dans un tube à essai, une flamme ne diminue pas d’intensité à mesure que les réserves en carburant s’amenuisent. Dans l’organisme, au contraire, on adapte à tout moment notre train de vie à nos disponibilités de l’instant.
La thyroïde aux commandes
La question se pose désormais de savoir comment ce phénomène prend place et en vertu de quoi il évolue. Face à cette nouvelle question, on raisonne souvent de curieuse façon en s’attardant sur les aspects énergétiques liés à l’activité musculaire. Or, ceux-ci fluctuent relativement. En d’autres termes, le fait de grimper un col à du vingt kilomètres/heure ne permet pas de faire beaucoup d’économies. On peut évidemment supposer qu’il existe des rendements légèrement différents entre coureurs mais cela ne suffit pas à expliquer les différences observées sur le plan alimentaire. En revanche, on peut jouer sur d’autres dépenses, surtout celles dites du « métabolisme de base ». Rappelons que ce terme désigne l’énergie dépensée par notre organisme pour assurer son maintien en vie: température, digestion, respiration, battements du cœur, production d’hormones, etc. On l’estime habituellement à 1000-1500 calories par jour. En clair, il s’agirait de la dépense énergétique d’une personne qui resterait couchée toute une journée dans une pièce à 20 degrés. Elle paraît incompressible et pourtant, on observe des fluctuations importantes d’une personne à l’autre. Ce métabolisme de base comporte en effet quelques postes inutiles qui ne servent qu’à dépenser de l’énergie sans véritable bénéfice de santé. On les appelle « cycles futiles » en français ou « metabolic cycles » en anglais ( 8, 12). A quoi servent-ils? A rien ou pas grand-chose. De manière imagée, on peut les comparer à la situation d’un Parisien qui ferait l’aller-retour sur Orléans pour acheter un pain, alors qu’un boulanger exerce en bas de chez lui. Pourtant, ce gaspillage n’est pas non plus totalement gratuit. Il permet d’entretenir les filières métaboliques et offre en plus l’avantage d’être modulable en fonction des situations. Grâce à lui, par exemple, on pourra résister à la prise de poids. Certaines personnes se caractérisent ainsi par un appétit énorme. Ils mangent sans grossir, grâce précisément à ces cycles futiles qui dissipent ce surcroît d’énergie sous forme d’excédent de chaleur.
L’efficacité plus ou moins grande de ce système explique d’ailleurs que certains prennent du poids alors que d’autres, parfois plus gourmands, restent sveltes. Inégalité des gènes! Dans le cas de famine, on observe la réaction contraire. On suspend les dépenses inutiles pour utiliser chaque calorie dans un objectif de survie. Ce système nous aura donc formidablement aidé tout au long de notre évolution et l’on sait désormais que sa mise en place dépend de la production d’hormones thyroïdiennes, une glande à la base du cou qui sert véritablement de thermostat de l’organisme.
Voilà l’explication des besoins très différents entre les personnes et en l’occurrence entre les coureurs cyclistes. Dans ces fluctuations, l’hérédité joue un grand rôle. Mais il faut également tenir compte des situations de vie. Une période d’effort intensif peut être vécue comme un danger comparable à une famine et entraîner la mise en place d’ajustements métaboliques spécifiques. Chaque fonction devient alors plus efficace dans le but d’économiser une énergie plus rare.
A l’inverse, on observe qu’à la reprise de l’entraînement après une période d’inactivité, l’athlète ressent un appétit plus important, comme s’il devait transitoirement faire face à des besoins accrus, sans doute en raison d’une gestuelle et d’ajustements métaboliques moins efficaces (6). Une étude allemande a montré que les coureurs professionnels mangeaient davantage lors des stages de début de saison que plus tard dans l’année alors qu’ils étaient pourtant confrontés à des dépenses plus élevées en raison du rythme des compétitions. Voilà probablement les mécanismes qui expliquent de manière rationnelle ce mystère des calories perdues.
L’homme est un tube à essai pensant
Au final, on s’aperçoit que notre organisme est doté de moyens performants pour régler avec précision son niveau de dépense énergétique sur les apports, et que l’adoption de stratégies plus ou moins dispendieuses se trouve sous la gouvernance d’un capital génétique différent selon les individus. Un effort comme le Tour de France met en exergue l’existence de ces processus de la même façon qu’un Ironman, une expédition andine ou un ultra marathon. Il nous révèle aussi d’étonnants mécanismes dont on découvre l’existence à travers des manifestations et des témoignages de frugalité qui semblent incompréhensibles en regard de la dépense d’énergie des sujets concernés et des règles classiques de la calorie. On se rend compte ainsi qu’à vouloir, en toute bonne foi, faire entrer l’énergétique humaine dans des équations, on perd de vue son extraordinaire plasticité. Nous ne sommes pas des tubes à essai. Ou alors des tubes à essai pensants!
Denis Riché
Doctorat en nutrition humaine et
Spécialiste français de la micronutrition
(*) : Colloque National Fédéral Intermédical, novembre 2005.
(**): Suvimax: Supplémentation en Vitamines et Minéraux Anti-oXydants. Cette plus grande étude jamais menée en France a consisté, durant 7 ans, à apporter un complément d’anti-oxydants à dose nutritionnelle ou un placebo et de mesurer l’impact de cette démarche sur les taux de cancer et de maladie cardio-vasculaire. Parallèlement à ce travail, les auteurs ont procédé à une évaluation méticuleuse du niveau des apports alimentaires en début d’étude.
Pour adhérer à notre association ou avoir des renseignements, une seule adresse :
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Courriel : aeifa@aeifa.com Internet : www.aeifa.com
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Le quotidien des coureurs kenyans par Sébastien Bazeille
HOME OF CHAMPIONS | Très heureux de partager avec la communauté de runners ce documentaire, tourné à Iten (KENYA) en décembre 2014, qui présente le quotidien des coureurs kenyans. Pendant 1 mois, je me suis efforcé de m’intégrer dans des groupes de coureurs pour filmer au plus près leurs séances d’entrainement (long run – fartlek – piste). Je me suis également intéressé à leur mode de vie, leur alimentation, leurs aspirations et leurs rêves.
Quels est le secret des coureurs kenyans ? Une partie de la réponse se trouve dans cette vidéo.
PS1 : Ce documentaire correspond à un travail amateur, réalisé par un passionné avec des moyens très limités. Merci pour votre indulgence. J’y ai consacré beaucoup d’énergie et de motivation (ainsi que des centaines d’heures de réflexion et de montage…). Si vous aimez cette vidéo, contribuez à l’atteinte de l’objectif des 2000 likes sur la page en partageant ce post et likant la page. Invitez vos amis à en faire de même. Un GRAND MERCI par avance les runners!
PS 2: Pour prendre les devants sur certains commentaires désobligeants, le fléau du dopage n’est ici volontairement pas abordé. Le sujet est très tabou à Iten. L’aborder m’aurait instantanément fermées beaucoup de portes… Ce que je peux en dire, c’est que tous les athlètes kényans ne se dopent pas. En revanche, tous les athlètes kényans que j’ai eu la chance de côtoyer sont des coureurs exceptionnels qui auraient largement leur place dans le top 20 du marathon français malgré un manque de moyen et de suivi… A méditer avant de tous les accuser de dopage…
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Gestion d’une grave blessure par Véronique Mang
Gestion d’une grave blessure par une athlète de haut niveau, Zoom sur une blessure grave et sérieuse : la désinsertion du tendon de l’ischio-jambier par Véronique Mang
Tout d’abord, il convient de différencier la désinsertion du tendon de l’IJ d’une simple lésion musculaire (très fréquente chez le sportif) et bien connue des médecins du sport, des athlètes et des coachs. « En revanche, la rupture haute et complète des tendons IJ, par avulsion tendineuse, au niveau de l’ischion est rare. La gravité de cette lésion est souvent sous estimée… il s’agit d’une violente douleur sous la fesse , (impression de coups de poignard ), suivie d’une faiblesse de la jambe … Il n’y a pas de consensus sur le traitement … une IRM en urgence réalisée , pour la majorité des patients , dans un délai de 3, 4 jours permet de confirmer le diagnostic de rupture … Un diagnostic précoce et un traitement chirurgical de ces ruptures totales permettent de récupérer un état fonctionnel normal … » (1)
Rupture tendon ischio-jambier
Je vais aborder 3 aspects incontournables pour gérer cette épreuve très difficile dans la vie et la carrière sportive d’un athlète. En premier lieu, les aspects médicaux et la synergie entre tout le staff médical, l’athlète et le coach à chaque étape du processus de guérison. En second lieu, la gestion psychologique et mentale qui est à mon sens la clé pour retrouver la pleine santé et revenir à son meilleur niveau. Enfin, j’aborderai la phase la plus délicate, celle de la progressivité lors du retour à l’entraînement et à la compétition, afin d’éviter tout risque de rechute.
Pour avoir été confrontée pour la première fois de ma carrière, à une blessure aussi grave en juillet 2015, le marathon médical a été intense et éprouvant. Après une IRM effectuée 48 h après ma blessure, j’ai été opérée 48h en urgence. Il faut donc faire vite ! Car en cas d’intervention tardive, le risque de séquelles neurologiques de sciatique et un déficit musculaire majeur des IJ peuvent compromettre la santé du sportif à moyen terme … S’en est suivie une période d’immobilisation de 6 à 8 semaines avec une attelle, des béquilles et un traitement d’anticoagulant. A peine sortie de la clinique, j’ai commencé la kinésithérapie sans tarder, tous les jours, et même pendant mes vacances d’été. C’était parti pour une course contre la montre avec comme objectif : les JO de Rio !
CE QUE J’IGNORAIS à ce moment là, c’est que le retour à la compétition suite à ma désinsertion nécessite 2 saisons pleines pour revenir au très haut niveau …………
Galvanisée par mon objectif de participer à mes 3èmes Jeux, je me suis consacrée corps et âme à mes soins et à ma guérison, un job à plein temps ! Fin Août, j’ai repris la marche sans béquilles … J’ai ensuite enchaîné avec 2 séjours au CERS de Capbreton (3 semaines) en septembre et novembre. L’électrothérapie avec le matériel Bluetens m’a permis de lutter contre la fonte musculaire et j’ai pu commencer le renforcement musculaire avec l’électrostimulation. Tout cela, dans le but de stimuler mes fibres musculaires car j’avais énormément perdu du muscle. C’était d’ailleurs assez bizarre de voir ma cuisse diminuer de volume quand je portais l’attelle…. Au CERS, j’avais un programme quotidien avec une visite régulière avec le Dr : marche sur tapis roulant, vélo, électrostimulation et en récup, de la balnéo, bain froid, piscine, jacuzzi, hammam, sauna , des massages et de la pressothérapie. Je travaillais également le haut du corps et mon gainage en préparation physique.
Je trouvais le temps long mais l’objectif était Rio donc j’étais à bloc et le challenge était de taille. Et comme j’aime les défis, je ne pouvais que me surpasser pendant cette épreuve …
Le second séjour au CERS a été beaucoup plus intensif. J’ai commencé le renforcement musculaire en musculation, des tests biodex tout en progressivité, gainage, souplesse, récup balnéo et de l’électrothérapie (bluetens).
Je pouvais compter sur le soutien des autres pensionnaires du CERS (Capsports) tout au long de mon séjour. Le retour terrain a été un moment de renaissance ! Mon premier footing a été un moment de grâce car pendant 4 mois je n’avais pas couru !!! J’ai savouré chaque foulée, chaque déroulé de pied et je voulais que ce moment dure longtemps … Je devais cependant freiner mes ardeurs pour éviter les douleurs … Les courbatures après le footing et les massages ont aussi été des moments très agréables. J’appréciais encore plus les phases de repos car le rythme au CERS était assez effréné et assez éprouvant. J’informais mon Dr, mon chirurgien, mon coach de toutes les étapes franchies au CERS. J’avais mis en place un suivi rigoureux entre tous les membres de mon staff médical.
Le traitement de ma cicatrice post – opératoire a été très long , j’avais toujours des douleurs surtout quand je m’asseyais … Je m’asseyais sur une fesse pour éviter les douleurs … Début Décembre , j’ai signé un contrat de partenariat avec Indiba Activ France , la machine de thérapie cellulaire qui accélère la cicatrisation , réduit et soulage les douleurs , accélère la récupération et régénère les tissus musculaires .Sans tarder , j’ai commencé à traiter ma cicatrice avec mon kinésithérapeute . Avec les programmes (capacitif, résistif, antalgique, cicatrisant et anti inflammatoire) et après 10 séances, les douleurs avaient complètement disparu !
Le sprinteur Jamaicain Yohan Blake, victime d’une désinsertion du tendon de l’IJ le 11 juillet 2014 lors du Grand Prix de Glasgow avait utilisé une machine de Thérapie Cellulaire pour soigner sa grave blessure .Son diagnostic avait été difficile à établir : « Il marche pour le moment avec des béquilles après avoir subi une opération il ya quelques jours, a expliqué Mills. Sa blessure était assez grave et le premier diagnostic n’était pas le bon. Il est ensuite allé en Allemagne et c’est là qu’ils ont constaté la gravité de la blessure. Une intervention était nécessaire. Il va donc être absent pour un long moment » (2). Après 2 saisons loin des pistes, des soins et une reprise progressive, Yohan Blake a fait un retour tonitruant en 9.95 sur 100m le 22 juillet dernier aux Trials jamaïcains, un come back on time pour participer aux JO de Rio (3) On n’avait plus revu Blake sur les pistes aussi en forme depuis ses 19.26 sur 200m au meeting Diamond League de Bruxelles en 2011. Quelle longue et difficile traversée du désert qui a nécessité un mental d’acier pour revenir au très haut niveau !
Abordons à présent les aspects psychologiques. J’ai adopté une technique qui a fait ses preuves, celle de la « Never Give Up attitude ». Je ne compte plus les blessures (lumbago, déchirure ischio, rupture complète du tendon du genou, aponévrosites plantaires, désinsertion du tendon de l’IJ) qui ont jalonné mon olympiade, qui m’ont éloignée des pistes pour un long moment, et fait manquer de nombreuses échéances internationales. Motivation, détermination , ténacité, travail, patience, endurance et persévérance sont des valeurs qui m’ont accompagnée au quotidien pour surmonter ces moments difficiles , de douleur et de souffrance parfois extrêmes .
Le témoignage de l’ex-fleurettiste français Térence Joubert, champion d’Europe par équipes en 2003 et 2006, blessé sévèrement à la cuisse en novembre 2010, montre très bien dans quel état psychologique se trouve le sportif : « j’ai vécu un enfer, surtout au début. Grâce à mon entourage et à la qualité des soins, je me suis accroché pour revenir progressivement » (4)
En 2012, Terence Joubert s’est qualifié pour les JO de Londres.
Le sportif peut également faire appel à un psychologue pour faire le deuil de sa blessure, évacuer ses émotions et frustrations. Car la reconstruction physique passera obligatoirement par une reconstruction psychologique. Ce qui amènera le sportif à dédramatiser, à relativiser et à positiver la situation dans laquelle il se trouve. Comme le dit si bien Yohan Blake « Mentally was the toughest part » (5) Les blessures mettent à l’épreuve la confiance en soi du sportif.
Si le sportif vit sa blessure dans un état d’esprit positif, il sera beaucoup plus fort et il guérira plus vite … Car c’est bien dans la tête que tout se joue. Cette blessure a été un gros coup dur pour moi. Grâce au soutien de mes proches, de mon entraîneur, du médical mais aussi de mes fans sur les réseaux sociaux, j’ai pu reprendre l’entraînement et revenir en compétition.
Enfin, le retour sur le terrain s’est faite de manière progressive. J’ai effectué une partie de ma préparation foncière au CERS, puis j’ai continué avec mon coach sur le pole d’Eaubonne. J’ai énormément renforcé mes 2 IJ en excentrique et en concentrique car j’avais d’énormes déficits en force et en puissance. Je me suis gavée du travail d’extension de hanche avec swissball à toutes mes séances de musculation et ce pendant mes 11 mois de préparation. J’ai rechaussé les pointes début Février 2016. Les courbatures ont mis énormément de temps à se résorber au début. Heureusement, la thérapie cellulaire m’a permise de ne pas perdre trop de temps. De plus, j’ai mis en place un protocole de prévention des blessures en faisant des séances de laser CO2 au Centre de traumatologie du sport avec le Dr Tania Bellot. Retrouver la confiance en mon corps et la gestion de l’appréhension ont été de longues étapes à franchir. Il a fallu faire preuve de patience, rester centrée sur moi, ne pas me comparer aux autres (qui n’ont pas eu ma blessure) et ne surtout pas me laisser distraire par la frénésie chronométrique.
Le staff médical a mis en place un protocole de renforcement musculaire avec 3 tests biodex, dont le dernier en Avril 2016 a révélé que je n’avais plus aucun déficit en excentrique sur mes IJ. Ce test biodex a été un déclic, il a fait sauter les verrous. L’appréhension a totalement disparu et cela m’a donné des ailes pour le stage terminal !
J’ai abordé le retour en compétition avec énormément d’envie. J’ai eu de grosses courbatures à l’issue de la première compétition début Mai. Ensuite, les choses ont été plus difficiles car la réalité m’a rattrapée. J’ai couru en 11.80 sous une météo exécrable lors de la finale des interclubs fin Mai .Quelques jours plus tard, en 11.68 au meeting d’Orvieto en Italie… Mon entraîneur m’avait mis en garde et m’avait prévenu qu’il fallait que je m’attende à un début de saison difficile. Je me suis donc construite une bulle où j’ai complètement lâché prise sur l’environnement compétitif. L’objectif était comme toujours de donner le meilleur de moi-même et de réaliser ma propre performance sans me préoccuper de l’adversité (6)
Mon coach et moi sommes repartis sur 15 jours de travail spécifique et d’endurance de vitesse avec pour objectif les Championnats de France Elite. L’objectif était de courir, de faire de mon mieux, surtout d’aller au bout de ma saison . J’ai donc proposé à mon coach un enchaînement des meetings d’Hérouville (11.55) et de Valence (11.45) . J’ai gagné 1 dixième en 48h. La récupération avec Indiba m’a permis d’enchaîner ces 2 compétitions dans les meilleures conditions possibles. Je suis ainsi passée de la 16 è place à la 5è place du bilan national en 1 mois.
En 2016, lors des championnats de France Elite, j’étais donc trop juste pour réaliser 11.26 pour les championnats d’Europe et encore moins 11.15 pour les JO. J’ai lâché prise sur les minimas et les JO car il est vain de se battre contre des choses que l’on ne maîtrise pas. C’est à ce moment là que j’ai compris qu’il faut 2 saisons pleines et entières pour revenir à mon meilleur niveau.
Défendre mon 4ème titre de Championne de France s’est avéré contextuellement irréalisable car je n’étais pas à 100 % de mon potentiel. Cette blessure a été très handicapante, et il a fallu que je l’accepte pour pouvoir avancer et continuer à progresser chronométriquement, tout au long de ma saison. Le temps est un luxe dans le très haut niveau, la santé également … Les aléas comme la météo et les délais de qualification archi serrés ont été le couperet !
L’épilogue de ma saison a eu lieu aux Championnats de France Elite le 25 juin 2016. J’ai réalisé
11.39 en série, mon meilleur chrono de la saison. Et en finale 11.43 avec une 5è place ……… La dealine, c’est la deadline …. Je n’ai pas réalisé mon rêve olympique mais je suis fière d’être allée au bout, d’avoir tout donné. Cette expérience a été un combat contre moi-même. J’adore la compétition, la confrontation à l’adversité et l’adrénaline. Cet aspect a été une motivation supplémentaire pour me surpasser au quotidien. Je n’ai aucun regret. Tout s’est bien passé, je suis en bonne santé. J’ai couru sans douleur et sans appréhension en compétition. J’ai élevé encore plus mon niveau d’exigence avec un perfectionnisme obsessionnel. La flamme et la passion ont fait le reste. Après les Championnats de France Elite, j’ai poursuivi ma préparation sur un cycle de foncier (séances de côtes, de volume, aérobie) jusqu’à fin Juillet … histoire de ne pas perdre de temps sur les échéances 2017 et de continuer sur ma lancée …
Je termine cette chronique par ces quelques mots de Térence Joubert : « Ma blessure appartient définitivement au passé. Je n’ai plus aucune douleur. Je n’y pense plus, même si on m’en parle encore. Aujourd’hui, je ne tire que du bonus de cette péripétie. Elle m’a appris à relativiser encore plus. Il ya des choses plus importantes dans la vie qu’une blessure à la cuisse. Après ce que j’ai traversé, je sais que si ça ne marche pas, je n’en ferai pas une montagne. Deux mois alité, ça fait changer la vision du monde dans pas mal de domaines » (7)
Véronique Mang
Athlète de haut niveau et
membre de l’équipe de France d’athlétisme.
Pour approfondir :
(1) Dr Nicolas Lefèvre, Chirurgiedusport.com
(2)http://www.lalibre.be/dernieres-depeches/belga/athletisme-saison-deja-terminee-pour-yohanblake-53cee57f3570667a638cb037
(3) http://www.pressreader.com/
(4)http://www.leparisien.fr/melun-77000/terence-joubert-encore-trop-juste-22-06-20111502938.php
(5) http://www.letsrun.com/news/2016/06/rebirth-yohan-blake/
(6) https://isoxansport.com/actualites/jeux-olympiques-rio-2016-veronique-mang
(7) http://www.leparisien.fr/avon-77210/terence-joubert-je-vais-tout-donner-26-01-20121829467.php
https://www.youtube.com/watch?v=Ev58Tma92Sk
http://www.maitrise-orthopedique.com/articles/reparation-chirurgicale-des-ruptures-aiguesproximales-des-tendons-ischio-jambiers-139 http://www.lepoint.fr/sport/escrime-terence-joubert-blesse-serieusement-a-une-cuisse-04-11-20101258602_26.php
Tous mes remerciements au Dr Tania Bellot et son staff de kinés , à mon chirurgien Dr Lefèvre , Dr Jean-Michel Serra , au radiologue Jérôme Renoux , tout le staff médical du CERS de Capbreton , mes 2 kinés Antoine Arnoffi et Jérôme Devillez , mon entraîneur Olivier Marchand , Mr Jacques Piasenta , Dorian Martinez , Térence Joubert , mes partenaires Bluetens , Indiba Activ France , Zamst , BV Sport France , Isoxan Sport , Bodytalk , LI-Ning Europe , mon club le CA Montreuil 93, mes fans et mes proches .
Almaz Ayana dépoussière le record du 10000 m par Pierre-Jean Vazel
NOUVEAU RECORD DU MONDE: 29 min17 secondes 45
Le record du monde de l’éthiopienne Almaz Ayana au premier jour de l’athlétisme à Rio a d’autant plus surpris que les 29 min 31 s 78 de la Chinoise Wang Junxia semblaient inaccessibles. Une analyse s’impose.
Aussi impressionnante qu’elle paraisse, la marque de Wang ne reflétait pas le potentiel de son auteure. La jeune femme de 20 ans avait pourtant amélioré le précédent record d’Ingrid Kristiansen de 42 secondes en 1993 à Pékin lors des Jeux Nationaux, et depuis, personne ne s’en était approché à moins de 22 secondes. Néanmoins, l’exploit avait été réalisé au terme d’une course tactique ! Le graphique est éloquent : la courbe de vitesse de la Chinoise (en rouge) marque une nette progression après 7 km. C’est à ce moment qu’elle avait décidé de se débarrasser de son inutile lièvre Zhong Huandi. Wang avait alors couvert les derniers 3000 m en 8 min 17 s 34, soit 5 sec plus vite que le record du monde de la distance d’alors !
Les courbes de vitesse des records du monde du 10000 m féminin
En finale des Jeux de Rio, Almaz Ayana vient de courir cette dernière portion, au train, en 8 min 47 s 47. Même si elle ne paraissait pas particulièrement éprouvée à l’issu de son effort, la nouvelle détentrice du record du 10000 m est peut-être plus proche de ses limites que ne l’était son aînée, qui aurait pu passer sous les 29 min s’il lui en avait été donné l’ordre… Les méthodes de coaching des Chinoises dirigées par Ma Junren, basées sur le harcèlement, le surentraînement et sans doute déjà sur des cures hormonales et d’EPO (Wang, qui reconnait les sévices, a toujours nié avoir été dopée), avaient produit d’éphémères miracles en 1993 et 1997, le temps de quelques records qui s’effacent les uns après les autres. En 2004, Elvan Abeylegesse améliorait celui du 5000 m détenu par Jiang Bo ; c’était quelques années avant que l’Éthiopienne naturalisée Turque ne soit contrôlée positive. Il appartient depuis 2008 à son ancienne compatriote Tirunesh Dibaba. L’an dernier, la sœur cadette de cette dernière, Genzebe, avait remisé le 1500 m de Qu Yunxia aux archives. Cette année, sa préparation a été fortement perturbée par l’arrestation de son entraîneur dans une affaire de détention et d’administration de produits dopants en Espagne, et l’Éthiopie comme le Kenya sont dans le collimateur des agences antidopage.
Ayana n’est pas la seule à s’être surpassée à Rio: les 13 premières de la course y ont battu leurs meilleures marques personnelles. Elles peuvent remercier Alice Nawowuna d’avoir dynamité la course dès le départ, sur des bases totalement inconnues pour elle puisque ses temps de passages au 3000 m en 8 min 52 s 70 et au 5000 m en 14 min 46 s 81 étaient inférieurs à ses références sur ces distances (8 min 53 s 55 et 15 min 16 s 74). Si la Kényane a payé cette allure folle en terminant au pied du podium, personne à part Wang à Pékin n’avait fait mieux que son temps final, 29 min 53 s 51 !
Il faut dire qu’enfin, les conditions étaient réunies pour qu’un 10000 m féminin aboutisse à des chronos rapides. Course rarement organisée en meetings, ses listes mondiales sont principalement constituées de performances réalisées aux Jeux olympiques ou aux Championnats du monde. Les courses tactiques, la chaleur ou bien la pluie battante comme lors du record d’Europe de Paula Radcliffe (30 min 01 s 09 à Munich en 2002) ont toujours plombé les aiguilles du chronomètre.
La Britannique s’est dite impressionnée par la démonstration de l’Éthiopienne, surtout parce qu’elle n’a jamais cru à la probité des prouesses Chinoises. Pourtant, si l’on excepte le record mondial du 100 m de Florence Griffith-Joyner (10 s 49 en 1988), homologué malgré une panne de l’anémomètre, c’est le sien sur marathon (2 h 15 min 25 en 2003) qui est le plus proche de celui de la gent masculine, avec une différence de seulement 9,21 %. Elle devance en outre de 3 minutes la 2ème marathonienne de l’histoire… Sous les 10 %, on retrouve aussi le 3000 m de Wang (8 min 06 s 11, la même semaine que son historique 10000 m) et Marita Koch qui a fêté l’an passé les 30 ans de ses 47 s 60 sur 400 m. Si l’on en croit le graphique, les prochaines barres à tomber pourraient être les 1 min 53 s 28 de Jarmila Kratochvilova si Caster Semenya le veut bien, et les 14 min 11 s 15 au 5000 m, à moins que Genzebe Dibaba et Almaz Ayana ne continuent de préférer chasser la place plutôt que le temps.
Temps intermédiaires par kilomètres des deux derniers records du monde du 10000 m :
Almaz Ayana (Rio, 2016)
1000 m 3:02.0
2000 m 5:56.0
3000 m 8:53.0
4000 m 11:50.0
5000 m 14:47.1
6000 m 17:36.74
7000 m 20:29.98
8000 m 23:25.37
9000 m 26:22.88
10000 m 29:17.45
(Derniers 5000 m : 14:30.4, derniers 3000 m : 8:47.47)
Wang Junxia (Pékin, 1993)
1000 m 2:54.88
2000 m 5:56.72
3000 m 8:59.33
4000 m 12:02.90
5000 m 15:05.90
6000 m 18:10.19
7000 m 21:14.44
8000 m 23:59.88
9000 m 26:44.80
10000 m 29:31.78
(Derniers 5000 m : 14:25.88, derniers 3000m : 8:17.34)
Sources :
Chen Dunshou, Guo Junren : Analyse biomécanique du record du monde du 10000 m de Wang Junxia, Journal de l’Institut d’éducation physique de Xi’an, 03/1996.
Omega : Analyse de la course, Rapport du 10 000 m femmes, finale. Rio 2016.
Articles récents de Pierre-Jean Vazel, en savoir plus sur http://vazel.blog.lemonde.fr/
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Courir plus vite que vite pour continuer à progresser par Hélène Bossé
Les sprinteurs sont souvent confrontés dans leur carrière à une stagnation voire à une régression de leurs performances .L’entraineur doit alors émettre plusieurs hypothèses pour identifier les causes et les mécanismes de cet obstacle.
Une des hypothèses à soulever serait celle de l’installation d’une barrière de vitesse qui agirait comme un frein dans le fonctionnement de la contraction musculaire et qui serait l’explication d’une déficience dans les possibilités d’expression de la vitesse.
Lors d’un colloque sur la préparation physique, Frédéric Aubert évoquait la notion de « stéréotype rythmique » pour signifier l’installation d’une routine neuromusculaire qui entrainerait un blocage de la vitesse.
Pour comprendre il faut se représenter de façon très schématique et simpliste le mécanisme de la contraction musculaire lorsqu’on fait un mouvement. Il faut imaginer le système nerveux comme un réseau électrique constitué de milliards de fibres nerveuses, qu’on appelle les neurones et qui sont reliés entre eux par des synapses.
Quand un stimuli est perçu interne ou externe comme le coup de pistolet du départ, il se transforme alors en un influx nerveux qui se propage sous forme de signaux électriques (les potentiels d’action) jusqu’au système nerveux central (la moelle épinière et l’encéphale).
Ce SNC traite cette information pour la faire «redescendre » ensuite vers les cellules musculaires qui donneront alors l’ordre aux muscles de se contracter ou de se relâcher en fonction de la réponse à apporter à la situation.
La plupart des ces réactions qui construisent le geste sportif sont des réflexes moteurs. On pourrait parler de comportement automatique nécessaire à l’expression d’une vitesse.
Le problème de vitesse se pose quand le circuit électrique emprunté est toujours le même et que s’installe une sorte d’habitude fonctionnelle. Le muscle dés lors n’est plus surpris et s’enferme dans une forme de monotonie. On aurait là une des explications de la barrière de vitesse !
Il faut donc réussir à créer de nouvelles voies de propagation de l’influx nerveux pour améliorer la conduction neuromusculaire. C’est là que le travail de survitesse prend tout son sens. L’entraineur doit créer les conditions souvent artificielles qui vont permettre à l’athlète de courir plus vite que vite.
La 1ère condition est de créer une stimulation au dessus de la valeur seuil mais cependant très proche des possibilités naturelles de l’athlète. On peut proposer pour ça un travail en descente où l’athlète prendra artificiellement de la vitesse pour ensuite l’entretenir sur le plat.
Il faut trouver une descente de 5 à 8 degrés maximum qui se prolonge sur une ligne droite sur laquelle on disposera une dizaine de petites lattes rapprochées. L’athlète devra s’engager de façon importante dans cette descente pour ensuite être contraint de poser un pied entre chaque latte.
La 2ème condition est de se confronter plusieurs fois à cette situation en restant à haut régime. Pour ça l’entraineur peut chronométrer ce parcours latté pour inciter l’athlète à maintenir un travail à haute intensité. On déclenche le chrono à la pose du pied dans le 1er intervalle et on l’arrête à la pose du pied derrière la dernière latte.
La 3ème condition est de donner la priorité à la qualité du travail et non à la quantité. Ainsi il faut donner une récupération complète entre les répétitions (2’ à 3’) et cesser l’exercice quand on observe une baisse de l’intensité. Celle-ci se manifeste par une augmentation du chrono, par une dégradation du geste, par une fatigue nerveuse signifiée telle que « je suis cuit ».
Il est important de comprendre que ce travail très couteux nerveusement mais aussi musculairement peut engendrer des blessures par saturation du muscle si les prérequis n’ont pas été travaillés en amont. En effet il est indispensable de faire un travail préparatoire à base de pliométrie, de gainage, de souplesse pour assumer ces hauts registres de sollicitation. De plus il est important de programmer cette séance sur un fond de fraicheur physique c’est-à-dire après 1 ou 2 jours de repos et plutôt en phase pré-compétitive.
Il est également utile d’associer à ce travail de survitesse, un travail de technique de course qui se fera dans une autre séance. En effet la contrainte matérielle qui nécessite d’exprimer une vitesse « extraordinaire » engendre une dégradation de la qualité du cycle de jambe (hyperfréquence).
La 4ème condition est la nécessité de varier les situations de survitesse pour ne pas risquer une nouvelle stagnation des performances. Il existe donc d’autres exercices qui tendent à provoquer un déséquilibre rattrapé par une accélération du déplacement. Le travail avec charge tractée suivi d’un « largage » en est un bon exemple.
En effet durant le court laps de temps de l’accélération provoqué par le largage, de nouvelles fibres nerveuses sont sollicitées.
Pour ça on peut utiliser une ceinture avec deux poignets. L’un court et l’autre retient le coureur quelques mètres avant de le lâcher par surprise: Attention cependant à la dangerosité potentielle de cet exercice.
On peut aussi utiliser un parachute pour créer la résistance à l’avancement puis ensuite se larguer soi-même
Enfin on ne peut que citer le travail fait par les sprinteurs français et mentionné cet été dans les médias, concernant l’utilisation d’outils innovants pour continuer à progresser.
C’est le cas de Guy Ontanon qui a convaincu l’INSEP de s’équiper d’un matériel allemand aux réglages très précis pour parvenir à mettre ses athlètes en situation de survitesse. Les athlètes sont reliés par un câble à une machine qui offre la possibilité de les faire courir au-dessus de leur vitesse naturelle maximale.
Les mêmes effets sont obtenus avec des ceintures de survitesse. L’exercice se réalise à deux. L’un placé devant (B) et raccordé à un point fixe (C) tracte le sprinteur (A) placé à l’arrière du dispositif.
Grâce à un système de poulie qui fonctionne comme un palan, le sprinteur voit alors sa vitesse augmenter artificiellement et de façon significative.
Conclusion
Le problème de la barrière de vitesse a été ici exploré par le prisme de sa dimension neuro biologique. Il est possible d’envisager d’autres facteurs, notamment ceux d’ordre psychologique et motivationnel. En effet lorsque l’on connait l’importance de la confiance et du mental sur la réussite, on doit aussi explorer cette dimension. Une des astuces est de priver l’athlète de ses points de repères habituels. Par exemple on lui prend des temps sur 55m ou 70m plutôt que sur 60m ou 70m.
En dépit de zones d’incertitude sur les origines de cette barrière de vitesse, la compétence de l’entraineur à faire progresser les sportifs qu’il entraine, relève aussi de sa faculté à interroger ses propres méthodes, et à comprendre que ce qui marche un jour, ne marche pas pour toujours.
Passez la survitesse
Photo: Frédéric Poirier
Hélène Bossé
Entraineur d’athlétisme BEE2
Enseignante agrégée en STAPS à l’Université Paris Est Créteil
Bibliographie :
« la préparation physique », M. Pradet, coll entrainement , édition INSEP
« La préparation physique moderne », A. Broussal, O. Bolliet, coll Counter movement
« Comprendre l’athlétisme », JL Hubiche , M. Pradet , coll entrainement, édition INSEP
Pour adhérer à notre association ou avoir des renseignements, une seule adresse :
AEIFA, 16 rue Vincent Compoint 75018 PARIS
Courriel : aeifa@aeifa.com Internet : www.aeifa.com
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